dimanche 30 décembre 2018

Galet (aussi).

Consigne donnée par la Fée : 

Imaginez que vous mettez la main dans votre poche, et que vous en sortez une jolie pierre. Vous ne savez pas du tout comment elle est arrivée là. Maintenant, vous allez imaginer, et donc écrire, un texte à son propos. A quoi ressemble-t-elle ? Quelle taille fait-elle ? Quelle est sa couleur ? Est-elle adoucie par l’eau de mer, un peu coupante, cabossée, brillante ? Et allez plus loin encore : est-elle banale ? Renferme-t-elle un secret ou les traces d’une civilisation passée ? Est-elle magique ? Et si oui, quelle est sa fonction ? Laissez libre cours à votre inventivité…


A vous de jouer !

La cour de l'école se remplit de marmots au moment de la sonnerie... Il y a des jours comme celui-ci où j'aimerais être ailleurs. Si seulement j'avais pu rester sous le chaud de la couette ce matin. Au lieu de ça, je dois poireauter sous la pluie jusqu'à ce que le gong de fin de récré retentisse. 
Oui, sous la pluie. 
Parce que c'est encore préférable d'être trempée que de subir les hurlements stridents des CP sous le préau. C'est que ça possède une amplitude vocale de malade, un CP. Une étendue qui va de l'aigu au très aigu. Un truc qui peut te vriller une oreille de maîtresse pour six mois et t'installer des acouphènes pires qu'après un concert de brutal-death. Du coup, on préfère être mouillé que sourd quand on est enseignant.
Bref, je m'égare.
J'en étais à vouloir être ailleurs.
Oh, et puis ce rhume...
Je fouille dans la poche de mon imper à la recherche d'un mouchoir en papier qui épongera mes microbes morts. C'est comme ça que j'explique aux enfants : " Si votre nez coule, c'est bon signe, c'est votre corps qui élimine les cadavres de virus !" Ils aiment tellement le glamour, les gosses. Au moins autant que moi. C'est ça que je préfère dans mon boulot.

C'est là que je la sens, entre le paquet de mouchoirs et le fond de la poche. Une pierre toute ronde, lisse comme un galet, avec juste quelques stries sur le dessus de la partie la plus bombée. 
J'ai une amie championne du monde pour glisser ses petits galets porte-bonheur dans les poches ou les tiroirs de bureau des copines, elle pense que ça peut aider à éloigner les angoisses et les inquiétudes.
Cela dit, on ne s'est pas vues depuis un moment, donc elle ne peut pas être à l'origine de cette apparition dans ma poche. Et puis globalement, j'ai plutôt les idées roses que noires ces temps-ci, alors elle peut refiler ses petits cailloux à des gens dans le besoin.

Quand je le sors de ma poche, le caillou clandestin m'apparaît d'abord assez banal. Il ressemble à ce que mes doigts avaient deviné. Lisse comme un œuf. Et les stries sont en fait des caractères de l'alphabet runique. 
Au moment où je passe mon pouce sur ces symboles, la pluie redouble. Pourtant, je ne la sens pas. Une sorte de dôme lumineux s'est formé autour de moi. Il m'entoure tel un halo irisé passant par toutes les lumières de l'arc-en-ciel. Je ne suis même pas inquiète tant la sensation de chaleur qui m'entoure est sécurisante. Un vrai cocon. 
Les cris des enfants sont loin, je suis dans du coton, bercée par une musique douce qui semble venir...

[bip bip bip]

...ah ben du radio-réveil en fait. 
Qui vient de déclencher sa deuxième alarme parce que je n'avais pas réagi à la première !

La bonne nouvelle, c'est que je suis encore sous la couette.
La mauvaise, c'est que la récré n'est pas encore passée. Et ce bruit sur le rebord de ma fenêtre m'indique qu'il tombe des cordes ! Je sais maintenant d'où venait mon rêve étrange.

Douche, petit-dej, je glisse ma gamelle dans un sac, je remballe les dernière copies qui traînent sur mon bureau pour boucler mon cartable.
Chaussures, écharpe, manteau,... 
Avant de partir, je vérifie si j'ai des mouchoirs dans ma poche...
La pierre est toujours là.
par MissTortue

jeudi 20 décembre 2018

Galet

Consigne donnée par la Fée : 
Imaginez que vous mettez la main dans votre poche, et que vous en sortez une jolie pierre. Vous ne savez pas du tout comment elle est arrivée là. Maintenant, vous allez imaginer, et donc écrire, un texte à son propos. A quoi ressemble-t-elle ? Quelle taille fait-elle ? Quelle est sa couleur ? Est-elle adoucie par l’eau de mer, un peu coupante, cabossée, brillante ? Et allez plus loin encore : est-elle banale ? Renferme-t-elle un secret ou les traces d’une civilisation passée ? Est-elle magique ? Et si oui, quelle est sa fonction ? Laissez libre cours à votre inventivité…
A vous de jouer !


Des averses ce matin… Temps d’automne ! Il faut que je ressorte mon imperméable qui restait caché au fond de la penderie depuis le printemps. Non pas qu’il n’aie pas plu de tout l’été, je sens venir les sarcasmes !... Mais, comme tout bon breton, j’ai un imper chaud pour l’hiver et un imper léger pour l’été ; et pas de parapluie, la pluie s’accompagnant le plus souvent de vent rendant l’usage du pépin périlleux. J’enfile mon imper et je sors. 

Dans le tram, machinalement, je mets la main dans la poche et je sens sous les doigts un petit galet. Je le sors et le regarde. C’est un petit galet tout doux car bercé des centaines et des milliers de fois par la mer. Il est si doux que j’ai envie de le passer sur ma joue. Il est gris clair, moucheté de points plus foncés. Il est joli, mais pas aussi émouvant que le galet ramassé au Havre il y a quelques années : un galet de béton portant encore quelques carreaux de faïence, rappelant que la ville du Havre, comme la ville de Brest, a été une ville martyre pendant la deuxième guerre mondiale.

Le petit œuf de granit gris, je me rappelle très bien quand je l’ai mis dans ma poche. C’était une belle journée d’hiver, froide et lumineuse, mais de cette luminosité douce d’hiver qui ne fait pas mal aux yeux. On était partis se promener à la plage avec D. La plage des trois moutons, classée dans notre palmarès « plus belle plage du monde » : une immense étendue de sable blanc, très légèrement incurvée, encadrée par les rochers de Penn ar pont à gauche et le cap de Corn ar gazel à droite. La mer d’Iroise y prend toutes les couleurs allant du bleu turquoise au gris, en passant par le vert et le bleu marine ; toutes ces couleurs qui n’ont qu’un seul nom en breton : glaz. 

Ce jour-là, le vent était froid et piquait les joues, mais le vaillant petit soleil le rendait supportable. Arrivés en haut de la dune surplombant la plage, nous somme tombés sur un spectacle sidérant, comme je n’en avais jamais vu, et comme je n’en ai jamais vu depuis : une nuée d’oiseaux immense. Des centaines d’oiseaux qui ne semblaient former qu’une seule entité qui virevoltait au dessus de la plage, se resserrant en un nuage noir, ou s’éclaircissant. La masse des oiseaux dessinait des figures dans le ciel, se posait un instant sur le sable puis repartait aussitôt en une vague aérienne. Il est époustouflant que les oiseaux, allant si vite, volent sans se percuter et semblent savoir où ils vont, alors qu’en réalité la direction doit être aléatoire. Plus fort que la patrouille de France puissance 10. Le spectacle a duré de longues minutes, pendant lesquelles nous sommes resté ébahis, sans parler. 

J’ai effectué des recherches par la suite : cela s’appelle une murmuration d’oiseau. C’est un anglicisme, mais au diable la pureté de la langue, tant ce nom est joli, comme le phénomène qu’il étiquette.

J’étais tellement perdue dans mes souvenirs de cette vision féerique que j’ai raté ma station de tram…